jeudi 17 juin 2010

Arrivée en Colombie- La zona cafetera

Alors que nous posons le pied en Colombie, les habitants du vieux continent civilisé et polissé, bien informés et ouverts sur le monde, s'imaginent de suite que nous arrivons en enfer, que l'on croise la guerilla à chaque coin de rue et que les balles sifflent sans arrêt au dessus des têtes.

Rassurez-vous, la réalité récente est plus respirable. Le gouvernement sortant d'Uribe a déployé un contingent militaire qui a remis de l'ordre sur tout le territoire. L'armée recrute à tour de bras. Ainsi, dans la rue, l'ambiance ressemble à une occupation soft. Des fantassins prépubères, aux visages glabres et parcourus d'une constellation d'acnée rougeaude s'occupent de notre sécurité. Ils déambulent en traînant leur mollesse d'ados sous un casque trop grand, dans un uniforme trop large et des bottes trop longues. A cet âge là, les hormones se débrident et les chicots sortent du rang et contraignent l'ado à porter un appareil dentaire. Ainsi, avec son sourire en barbelé, le jeune militaire fanfaronne sur son bout de trottoir, se sent pousser des ailes et présente sa mitraillette triomphante bien lustrée aux passantes en jupette. Ces gamins sont responsables de nos vies, de notre sécurité...

Un soir à Cali, un jeune étudiant en Sciences Po nous donne un cours condensé sur l'histoire contemporaine de son pays et l'escalade de la violence qui a conduit à l'abîme.
Quelques années auparavant, les Colombiens étaient les victimes collatérales de différents groupes armés: d'abord, des narco-traficants, ensuite, l'armée officielle qui lutte contre ces premiers...
Mais cela se complique. Des paysans sont engagés et armés par les narcos pour protéger leurs intérêts. D'autres paysans, hors du circuit de la drogue, s'organisent en mouvement d'autodéfense contre l'alliance précédente. A cela s'ajoutent les mouvements révolutionnaires, d'inspiration communiste (les fameux FARC) qui dérivent vers le fanatisme, prêts à kidnapper et rançonner n'importe quel citoyen.
Et enfin, se forment des groupes de sécurité privée paramilitaire sollicités par l'armée officielle pour faire le vide et gagner de belles récompenses pour chaque tête de guerillero présumé.

Dans un pays rongé par ces conflits croisés, le président Alvaro Uribe, bien décidé à faire le ménage, a obtenu carte blanche du peuple pour remettre de l'ordre. Juan Manuel Santos, ancien ministre de la défense, va lui succéder pour continuer le gros oeuvre. Plébiscité par le peuple, il remporte aujourd'hui l'élection présidentielle avec 70% des voix.

Que dire des bavures à répétition? Des falsos positivos? Des scandales de la parapolitique? Pour nombre de citoyens honnêtes, tout ceci n'est qu'un détail déplorable pour le prix de la liberté retrouvée. Le peuple, traumatisé par ces années de violence, aspire à retrouver une vie normale et offre le pouvoir à un gouvernement prêt à en découdre de force pour atteindre cet objectif.
Depuis peu, les Colombiens peuvent de nouveau sortir de chez eux le soir, l'esprit léger. Pour eux, peu importe les méthodes, seul le résultat compte. Difficile pour nous de juger...

Nous débarquons après la purge, dans un contexte qui tend à se stabiliser. Nous arrivons par le sud, faisons une courte escale tranquille, trop tranquille à notre goût, à Popayan, la ville blanche. Nous poursuivons vers Cali. Trop gros, trop moche. Nous repartons aussitôt et arrivons dans la région du café. Notre premier arrêt à Salento sera très agréable. Après d'interminables heures de bus, nous découvrons ce petit village coloré à flanc de collines, entouré de palmiers géants.

Ici, les papis se prélassent au soleil la journée et se retrouvent le soir au bistrot pour jouer au billard à trois bandes. Nico se livre alors à son activité favorite, le dessin, et devient le centre de curiosité de tout le village. Les enfants lui réclament une gribouille et les vieux s'amusent à reconnaître les visages dont il a fait le portrait. Nous apprenons les surnoms de chacun d'entre eux. Notre préféré est celui du musicien du village: la moustache fine, la brosse épaisse, les dents du haut en moins... Quand il chante, on ne comprend les paroles qu'à moitié, ce qui lui vaut le surnom de "Media cancion" (="Moitié de chanson")

L'arrêt suivant à Manizales nous permettra de rentrer plus au coeur du processus de fabrication du café et surtout de boire du bon arabica, ce qui n'était quasiment pas arrivé depuis 10 mois, puisque l'Amérique Latine préfère le lyophilisé ou le thé. En visitant une ferme de caféiers, nous apprenons une triste vérité: le meilleur café colombien ne se trouve pas dans les troquets ou restos populaires, mais dans de rares brasseries chics et surtout... à l'étranger! Et oui, c'est ainsi: les meilleurs grains de cafés sont pour les gringos. Les rebuts cassés, décolorés, fripés, abîmés sont pour les Colombiens. C'est ça l'arabica!

lundi 7 juin 2010

Quito n'a pas la cote

Nous débarquons dans la capitale, carrefour des caïds et des cambrioleurs en colliers, couteaux et calibres. En connaissance de cause, nous essayons de nous camoufler dans la cohue le temps de trouver refuge dans le Mariscal, entre les troquets décatis et les brasseries branchouilles en toc. Pour notre sécurité, nous cachons nos affaires à l'auberge et restons calfeutrés, calés dans la banquette sur le câble devant un sport de raquette. Merde, la bourrique ibérique a réussi le quintuplé à Roland Garros...
Dehors, une cohorte de toxicos keu-bla camés et cramés du casque quadrillent le quartier, squattent les sorties de clubs pour piquer le quidam qui crèche à côté pendant que des escadrons de keufs en costume kaki ronquent sur un paquet de Kro, la matraque en berne entre les quilles. A notre hôtel, en l'espace d'une soirée, une kyrielle de couacs nous est contée: Kevin, la racaille de Quimper, alcoolique et coké, s'est fait castagner; Sven le Viking, s'est fait planter au canif; un Ricain, plus coopératif, a concédé le contenu de ses poches sans broncher. On ne déconne pas, tout est vrai. Quelle époque!

Coute que coute, malgré les attaques et les querelles, le soir du 3 juin, nous sortons (pas trop loin) pour les 30 ans du Nico, tactique efficace qui nous a évité les tocards et les crapules.

Vous l'aurez capté, en Equateur, Quito n'est pas notre coup de coeur. Nous quittons Quito tôt, quittes de conflits avec ces toqués du cutter en quête de cash. Direction la Colombie!

dimanche 6 juin 2010

Puyo-Tena, la jungle amazonienne


Quelques jours plus tard, nous laissons derrière nous Baños et recommandons à tous les gens que nous rencontrons d'y faire un séjour, même court, même au prix d'un détour fastidieux, car c'est un chouette endroit. "On vous dit que c'est tranquille, allez-y!" Nous serons de bon conseil puisque le volcan récidivera de manière musclée. La ville de Baños sera évacuée complètement à cause des coulées de lave et des retombées de cendre.


Pendant ce temps, nous bouleversons nos plans et visitons Puyo puis Tena, les dernières villes avant la jungle. Nous approchons pour la première fois la forêt amazonienne et y découvrons une opulence végétale et un gigantisme fascinant. Des fleurs inconnues, des orchidées, des papillons, des insectes gros comme le poing et des feuilles d'arbre de la taille d'un homme...

L'enfer vert est aussi source de vitalité. Les chamanes utilisent ces plantes pour leurs vertus médicinales, tandis que les gringos à la recherche d'expériences inédites payent une centaine de dollars pour un "ayahuasca tour". Nous nous contenterons de visiter plusieurs refuges pour animaux. Nous jouerons avec des singes, plein de singes: macaques, capucins, singes araignées, singes écureuils, singes volants... Accoutumés à la présence humaine, ils touchent à tout. Ils vous sautent dessus et se servent de vous comme une vulgaire branche, fouillent dans votre sac, empochent votre paquet de chewing gums et se faufilent en un éclair dans les arbres. Ils peuvent tordre vos lunettes avec leurs petites mains puissantes et s'amusent avec les essuie glaces des voitures en stationnement, les plient en deux en se pendant dessus.

Nous entrons aussi dans la cage d'un ocelot, parent éloigné du tigre. Nous le surnommons immédiatement "Michel", car Michel est un parent proche de Kirikou (pour ceux qui ne comprennent toujours pas, allez faire un tour sur Google). Il lèche goulûment le doigt du guide pendant de longues minutes et se laisse caresser le pelage doux comme une peluche. Lorsque Michel entreprend de grimper sur Magali, le guide se montre rassurant. L'ocelot est inoffensif.

Après un trajet en pirogue sur les bras de l'Amazonie, nous verrons plusieurs coatis nous traîner dans les pattes en fouinant dans le sol avec leur truffe souple afin de débusquer quelques insectes à grignoter. Nous pourrons apercevoir quantités d'autres espèces: perroquets parlants mais peu bavards, caimans nouveaux nés, anaconda à l'heure de la sieste...


Initialement nous devions nous rendre au volcan Cotopaxi et à la lagune Quillotoa. Nous avons préféré au dernier moment nous embarquer dans la brousse, ce qui fut sans regret aucun!