lundi 30 novembre 2009

Chili con connards

Valparaiso, l'une des plus intéressantes et plus belles villes de notre périple sud américain, batie sur les flancs de la quarantaine de collines qui délimitent la ville, est un lieu magique. De tous les coins de la ville, on peut apercevoir la mer, les maisons juchées les unes sur les autres possedent toutes au moins une fenetre sur l'océan. De plus, le plan de la ville contraste drastiquement avec le quadrillage systématique des autres villes que nous avons traversées. Ici la terre ondule et les rues se tortillent avec. Les maisons de tole et de bois multicolores, les vieux ascenseurs du début du 20eme siecle, les ruelles escarpées, les vieilles demeures coloniales sont un enchantement pour le promeneur. La visite de Valparaiso s'annoncait sous les meilleurs auspices. Nous avions bien lu les recommendations de prudence des guides, et pourtant notre vigilance n'aura pas suffi...

Vendredi dernier, alors que nous engloutissons nos sandwiches à la mortadelle sur un banc dans le Cerro Concepcion, postés sur une balustrade offrant un point de vue sur la ville, deux jeunes branlotins tout juste puberes surgissent dans notre dos et piquent le sac de Nico. Nico le tient entre ses jambes, lorsque l'un des deux loustics lui arrache. Il saute instantanément et s'agrippe à son bien. Il tire sur le sac pour le récupérer. Il sent qu'il a l'avantage en puissance. Le gringalet cherche du regard son complice pour lui venir en aide. Nico se retourne pour voir ce que l'autre mijote. Surprise. Le morveux agite un flingue dans sa direction. Merde alors c'est la premiere fois qu'on est menacé avec un calibre. Et là, on oublie le scénario où le héros se castagne virilement avec ses agresseurs et où la jeune fille l'aide grâce à sa maîtrise des arts martiaux appris avec maître Yeng en Thailande. Nico a deux secondes pour réfléchir: défier la mort dans une tentative risquée de sauvetage du sac ou céder face au danger. Sont ils prets a tirer? Ont ils seulement des balles dans le chargeur? Nous n'en saurons rien. Un réflexe de survie lui fait lâcher le sac pendant que Mag reste la bouche ouverte sur son sandwich. L'instant suivant, les deux malfrats disparaissent avec leur butin dans les escaliers et prennent la fuite. On a bien hésité une seconde à les courser, mais une dame qui passait par là nous l'a vivement déconseillé, les violences de ce type sont visiblement fréquentes à Valparaiso et peuvent dégénérer.
Un espoir subsiste... les flics. Ils arriveront peut etre a les coincer, à leur faire rendre gorge. On voit rouge, on veut notre vengeance. Attraper ces petits bandits de cour d'école et les faire mettre a l'ombre devient notre objectif. Nous dévalons les rues a la recherche d'une patrouille. Rien. Introuvables. Pendant ce temps, les petites frappes se font la malle. Nico commence a bouillir et hurle en pleine rue: "Ou sont les poulets quand on a besoin d'eux?" Une gentille bonne femme qui tient un kiosque à journaux nous aide et passe un coup de fil aux perdreaux. Elle nous explique qu'ils doivent arriver. 10 minutes. Personne. 20 minutes. Toujours personne.
Au bout d'une éternité, ils arrivent enfin ces cons de flics, l'air hilare. On leur explique la situation. Ils ne sont pas surpris, et sont d'une indifférence incroyable. Pas étonnant que le taux de criminalité ne baisse pas dans le coin. En gros, pour eux, leur boulot consiste à saisir informatiquement les objets dérobés pour que la victime transmette à son assureur. Pas la peine d'essayer d'en savoir plus sur les délinquants afin de faire des recoupements, ça serait trop de boulot... Et pour couronner le tout, le flic qui est au bureau des saisies est le plus demeuré de tous, celui dont on ne sait pas quoi faire, tant son niveau intellectuel est encore plus bas que la norme policière, pourtant pas bien élevée...On vous passe les détails, mais si vous imaginez la pire caricature, vous avez tout compris. La non maîtrise de l'outil informatique, la non connaissance des quartiers de la ville, la non maitrise de l'orthographe, et une élocution plus proche du gromellement que de la phrase construite... Nico se voit étrangler cette brelle au cerveau confit, lui arracher les yeux, lui faire bouffer son clavier pourri et lui écraser l'écran d'ordi sur la tronche. Ca le défoulerait un bon coup. Ce qui nous horripile le plus, c'est de voir l'incompétence et le laxisme de ces "représentants de l'ordre" qui restent le cul vissé sur leur chaise, trop mous et trop pleins de graisse pour faire leur boulot. Les voleurs, eux au moins, jouent leur role. Les poulets ne sont meme pas capables de leur courir apres. On les hait.
C'est foutu. On sait à ce moment là que Nico ne retrouvera jamais ses affaires. Il est dégouté. Il vient de perdre les rares objets auxquels il est attaché, non pas pour ce qu'ils représentent mais pour ce qu'ils lui permettent de faire. Il est venu chercher des images dans cette Amérique lointaine, il ne lui reste plus rien pour en produire. Appareil photo, caméra, aquarelles, stylos, crayons de couleur, carnets de dessin, tout a disparu le temps d'une respiration.
Donc voilà pourquoi vous n'aurez pas d'image tout de suite, même si on cherche une solution pour retrouver un appareil au plus vite. On ne se laisse pas abattre, le risque était connu avant de partir, mais il est vrai que nous aurions plutôt parié sur le Pérou ou la Bolivie pour ce genre de mésaventure. Comme quoi, il ne faut pas écouter tout ce que l'on raconte sur les réputations des pays.
Heureusement, dans cette histoire, nous avons perdu plus de sous que de souvenirs. Nous sauvegardons régulièrement nos photos sur un site de stockage en ligne. Il ne nous en manque qu'une quarantaine. Et la cassette qui était dans la caméra ne contenait "que" 15 minutes de film environ. Quant aux dessins de Nico, ils étaient à l'abri à l'hôtel.
A bientot pour de meilleures nouvelles...

mardi 24 novembre 2009

Santiago du Chili







Voici quelques photos de Santiago du Chili, capitale relativement agréable, en tout cas par rapport à l'image que nous en avions avant de venir! Pas trop de bus ni de voitures, des arbres, des maisons à côté des tours...
Et depuis hier, nous avons de nouvelles têtes après un passage chez le coiffeur!


Arrivée au Chili..








Ca y est, on est arrivés dans un nouveau pays, le Chili, ce long pays de plus de 4000 kms...
On a fait deux sauts de puce à Arica, puis Chañaral et le parc national de Pan de Azucar, avant de se diriger vers Santiago, où nous sommes actuellement. Nous n'avons donc pas vu grand chose du nord du pays, car nous visiterons cette partie plus tard, en remontant le continent depuis Terre de Feu.
Notre premier aperçu n'est toutefois pas trop mal, comme le montrent les photos...


Sajama












Difficile d'accès, le parc naturel de Sajama, à la frontière boliviano-chilienne, abrite le plus haut sommet de Bollivie (6500m), et même à cette altitude, la neige se fait rare...

Nous avons passé 3 jours dans ce trou au confort précaire (ni eau chaude, ni téléphone, ni matelas...) d'où nous avons eu beaucoup de mal à sortir. La seule liaison avec le reste du monde est assurée par un bus dont le trajet et les horaires sont soumis au bon plaisir de quelques autochtones, fort peu aimables avec les touristes...
Cela ne nous a pas empêché de passer 3 jours incroyables. Le nevado Sajama est planté au milieu d'une large plaine désertique et parsemée de buissons lépreux dont l'écorce s'effrite. Cette végétation est qualifiée de "forêt la plus haute du monde" par les Boliviens. En arrivant sur le site, nous avons d'abord cherché cette fameuse forêt, avant de réaliser qu'il s'agissait de fait de ces touffes éparses.

Néanmoins, le spectacle est assuré par la présence de lagunes, de volcans, et de piscines naturelles à 35 degrés. A la régie son et lumière, le microclimat a livré une prestation épique: ciel flamboyant au coucher du soleil, vent glacial, orages métalliques, averses subites, grèle, neige et soleil torride, le tout en une journée.

De plus, dans cet endroit étonnant, nous avons trouvé un nouveau barudero en la personne de Jihyeon, une Sud Coréenne qui achève son périple de 15 mois, et avec qui nous avons bien rigolé pendant nos journées de balades imprévisibles.

mardi 17 novembre 2009

De Copacabana à La Paz





En quittant Copacabana, nous fuyons les rives touristiques du Titicaca. Nous franchissons de nuit les collines brumeuses. L'orage nous encercle. Des taches lumineuses blanchissent épisodiquement le ciel noir et opaque. Les vitres du bus se recouvrent de buée. Au détour d'un lacet, nous recroisons une autre partie du lac. Le bus s'arrête et nous dépose sous la pluie battante devant un embarcadère miteux. Malaise. Nous nous demandons pourquoi on nous impose cet arrêt à mi chemin. L'explication est simple: la route s'arrête ici. Nous devons passer un bac sur une embarcation de fortune. Le bus emprunte une barge en bois, trempée et rafistolée de toute part. Nous, pauvres passagers, nous entassons dans une vedette non moins humide et branlante, qui suit la barge principale. Arrivés de l'autre côté, nous nous précipitons dans le bus entre les gouttes. Nous attendons les derniers passagers qui se ravitaillent en sandwiches pour terminer le trajet. Nous redémarrons. Nous rattaquons les lacets dans les ténèbres. Le bus penche dangeureusement mais se cramponne à l'asphalte dégoulinant. Nous transpirons tous. La buée redouble. Le bus sent maintenant le sandwich mouillé. Nous parvenons enfin sur la plaine haute de l'Altiplano. Nous approchons de la capitale. Un fil scintillant se dessine à l'horizon. Nous sommes encore très loin de la ville mais ses proportions gigantesques se devinent déjà. Nous pénétrons dans la banlieue, El Alto. Devant nous, un tapis de lumière bosselé. Nous plongeons vers La Paz en contrebas. Nous nous engouffrons dans ce canyon surpeuplé et affublé des guirlandes orangées de l'éclairage public qui se confondent avec les étoiles. Les flancs du canyon sont recouverts d'habitations de briques nues. Arrivés au terminal dans le centre ville 500m plus bas, la ville se présente comme un gigantesque rideau de perles oranges et blanches.
Nous commençons la visite. Quand on se promène dans les rues, on a régulièrement le souffle coupé, non pas séduits par la beauté urbaine, mais plutôt surpris par la raideur des pentes. Et puis on respire très mal, la faute aux milliers de microbus qui quadrillent la ville en crachant des nuages de carbone noir. Nous levons la tête un moment pour respirer et nous aperçevons un ciel balafré de rayures noires. Les câbles électriques pendouillent et courent de logement en logement, en martyrisant la vue du ciel. Et si vous rêvassez trop longtemps, on vous klaxonne aux oreilles. Les taxis, bus et voitures, à chaque croisement, se frayent un chemin à grands renforts de pouets pouets et se livrent à une véritable lutte pour forcer le passage. La pollution est triple: sonore, olfactive, et visuelle. Ici, on ne lésine pas avec le béton. On massacre les vieilles demeures coloniales pour leur substituer de vilaines tours sans âme. Parquées dans de minuscules recoins, les vieilles bâtisses se font grignoter progressivement par leurs soeurs cadettes, grandes perches qui ne respectent rien. Le patrimoine architectural de La Paz s'étiole. Ca nous attriste. Le site est grandiose. L'Illimani enneigé qui domine la ville de ses 6400m et la vallée de la Lune, aux reliefs étranges, ocres et rouges, devraient nous charmer, mais la magie n'opère pas. Toutes ces grandes villes polluées nous dégoûtent. Le sympathique bordel latin qui envahit les rues ne suffit pas à nous faire apprécier cette ville de fou.

samedi 14 novembre 2009

Les iles Amantani, Uros, Taquile et Isla del Sol







Après deux mois à parcourir les routes les plus arides et poussiéreuses de cette partie de la cordillère, nous rencontrons enfin de l'eau, un lac, LE lac Titicaca qui s'étend à perte de vue. Ce lac offre une continuité dans la perspective des grands espaces. A quelques encablures des côtes péruviennes, commence le parcours entre les différentes îles: pour rejoindre les Uros, nous traversons des marécages d'un roseau grimpant, la totora. Nous débouchons ensuite sur ces îles flottantes fabriquées à l'aide de ce matériau naturel, ses racines agglomérées servant de flotteurs, eux mêmes recouverts de tiges séchées, formant ainsi un tapis moelleux. Cette plante, la totora, est la base de la vie de ces villages de pêcheurs. Ils l'utilisent pour construire et meubler leurs chaumières, ainsi que pour leurs bateaux. Epluchée, la plante est comestible. Selon eux, elle aurait goût de banane. Pour nous, sa texture croquante est acceptable mais sa saveur reste banale. Avant que les pluies ne s'abattent sur les Uros et ne les fauchent (la totora est fragile, la durée de vie des îles est donc courte, il faut les rebâtir chaque année), nous réembarquons pour les deux îles suivantes.

Amantani et Taquile, sauvages et rocailleuses, offrent de belles balades et même une superbe plage de sable fin dans une crique isolée. Le logement y est sommaire mais les familles chez qui nous dormons sont gentilles (quoique réservées).

Pour se rendre sur l'Isla del Sol (en Bolivie), mieux vaut retourner sur la terre ferme et prendre un bus qui fait le tour du lac plutôt que de le traverser en bateau. Nous arrivons à Copacabana dont la vierge championne de foot a donné son nom a une célèbre plage brésilienne. Petite baie, petite colline, petite plage sympathique. Royaume du pédalo et du restau chic, nous passons vite.

Nous tentons la traversée pour l'île du Soleil, très prometteuse d'après les dépliants touristiques. Nous prenons place tôt le matin à bord d'un frêle esquif, encore plus lent que les précédents, et l'arnaque se révèle enfin: le visiteur doit se délester de ses billets s'il veut poser le pied sur l'île. Le racket est triple: pour visiter le port sud, il faut payer une entrée; nous poursuivons jusqu'au port nord: il faut de nouveau payer une entrée. Pour retraverser l'île à pied entre les deux ports, il faut encore s'acquitter d'un droit de passage. La coupe est pleine. Nous refusons de marcher dans la combine. Nous ne payons rien et ne visitons rien. Nous rentrons direct et sautons dans le premier bus pour La Paz.

jeudi 5 novembre 2009

Puno et Silustani, les rives péruviennes du lac Titicaca











Nous avons eu de la chance de tomber à Puno sur deux événements intéressants: d'une part, la fête universitaire où chaque section étudiante défile en costumes saturés de couleurs et de paillettes, au rythme d'un pas par heure; d'autre part, le concert de la tournée d'adieu des Kjarkas, les stars absolues de la chanson folklorique bolivienne, 38 ans de carrière célébrées ce soir là dans l'hystérie collective, dans un gymnase transformé en salle de spectacle pour l'occasion. On leur doit "la lambada", reprise et exportée en Occident dans un remix dansant pathétique. Leur version originale flutesque est bien plus mélodieuse.

C'est grâce à ces deux moments de fête que nous avons pu apprécier Puno, sorte de ville poubelle au bord du lac, qui n'offre comme seul autre intérêt que d'être le point de départ pour les îles (dont on vous parlera plus tard).

Proche de Puno, nous avons visité le site archéologique de Sillustani, un cimetière inca au bord d'une lagune bleutée. Les tombes en forme de tour bâties sur les sommets permettent, selon la croyance inca, que lesâmes des défunts rejoignent les cieux plus facilement. Nous avons pique niqué copieusement sur ce lieu de méditation mystique.

Les salinas








La région du Machu Picchu est bel et bien une réserve naturelle de touristes, qu'il est facile d'apercevoir tout au long de l'année et de reconnaître grâce au bracelet coloré fourni par leur agence. Mais il reste un endroit hors du circuit balisé qui recèle une surprise majeure: les salinas de Tarabamba.
Un gentil petit serveur péruvien nous a donné les indications pour nous y rendre seuls. Il suffit de prendre un bus puis de grimper un sentier pentu au détour duquel se dévoilent les bassins salés accrochés aux flancs d'une colline aride et rouge.

Nous déambulons au milieu des travailleurs, chargés comme des mules, dans un dédale de piscines multicolores qui se comptent par milliers.

Pourtant à portée des autres sites touristiques payants et bondés, les salinas sont boudées par les groupes au bracelet. C'est incompréhensible mais nous nous en réjouissons. Une hypothèse vraisemblable: ici, on ne trouve pas de ruine inca à visiter.