Vendredi dernier, alors que nous engloutissons nos sandwiches à la mortadelle sur un banc dans le Cerro Concepcion, postés sur une balustrade offrant un point de vue sur la ville, deux jeunes branlotins tout juste puberes surgissent dans notre dos et piquent le sac de Nico. Nico le tient entre ses jambes, lorsque l'un des deux loustics lui arrache. Il saute instantanément et s'agrippe à son bien. Il tire sur le sac pour le récupérer. Il sent qu'il a l'avantage en puissance. Le gringalet cherche du regard son complice pour lui venir en aide. Nico se retourne pour voir ce que l'autre mijote. Surprise. Le morveux agite un flingue dans sa direction. Merde alors c'est la premiere fois qu'on est menacé avec un calibre. Et là, on oublie le scénario où le héros se castagne virilement avec ses agresseurs et où la jeune fille l'aide grâce à sa maîtrise des arts martiaux appris avec maître Yeng en Thailande. Nico a deux secondes pour réfléchir: défier la mort dans une tentative risquée de sauvetage du sac ou céder face au danger. Sont ils prets a tirer? Ont ils seulement des balles dans le chargeur? Nous n'en saurons rien. Un réflexe de survie lui fait lâcher le sac pendant que Mag reste la bouche ouverte sur son sandwich. L'instant suivant, les deux malfrats disparaissent avec leur butin dans les escaliers et prennent la fuite. On a bien hésité une seconde à les courser, mais une dame qui passait par là nous l'a vivement déconseillé, les violences de ce type sont visiblement fréquentes à Valparaiso et peuvent dégénérer.
Un espoir subsiste... les flics. Ils arriveront peut etre a les coincer, à leur faire rendre gorge. On voit rouge, on veut notre vengeance. Attraper ces petits bandits de cour d'école et les faire mettre a l'ombre devient notre objectif. Nous dévalons les rues a la recherche d'une patrouille. Rien. Introuvables. Pendant ce temps, les petites frappes se font la malle. Nico commence a bouillir et hurle en pleine rue: "Ou sont les poulets quand on a besoin d'eux?" Une gentille bonne femme qui tient un kiosque à journaux nous aide et passe un coup de fil aux perdreaux. Elle nous explique qu'ils doivent arriver. 10 minutes. Personne. 20 minutes. Toujours personne.
Au bout d'une éternité, ils arrivent enfin ces cons de flics, l'air hilare. On leur explique la situation. Ils ne sont pas surpris, et sont d'une indifférence incroyable. Pas étonnant que le taux de criminalité ne baisse pas dans le coin. En gros, pour eux, leur boulot consiste à saisir informatiquement les objets dérobés pour que la victime transmette à son assureur. Pas la peine d'essayer d'en savoir plus sur les délinquants afin de faire des recoupements, ça serait trop de boulot... Et pour couronner le tout, le flic qui est au bureau des saisies est le plus demeuré de tous, celui dont on ne sait pas quoi faire, tant son niveau intellectuel est encore plus bas que la norme policière, pourtant pas bien élevée...On vous passe les détails, mais si vous imaginez la pire caricature, vous avez tout compris. La non maîtrise de l'outil informatique, la non connaissance des quartiers de la ville, la non maitrise de l'orthographe, et une élocution plus proche du gromellement que de la phrase construite... Nico se voit étrangler cette brelle au cerveau confit, lui arracher les yeux, lui faire bouffer son clavier pourri et lui écraser l'écran d'ordi sur la tronche. Ca le défoulerait un bon coup. Ce qui nous horripile le plus, c'est de voir l'incompétence et le laxisme de ces "représentants de l'ordre" qui restent le cul vissé sur leur chaise, trop mous et trop pleins de graisse pour faire leur boulot. Les voleurs, eux au moins, jouent leur role. Les poulets ne sont meme pas capables de leur courir apres. On les hait.
C'est foutu. On sait à ce moment là que Nico ne retrouvera jamais ses affaires. Il est dégouté. Il vient de perdre les rares objets auxquels il est attaché, non pas pour ce qu'ils représentent mais pour ce qu'ils lui permettent de faire. Il est venu chercher des images dans cette Amérique lointaine, il ne lui reste plus rien pour en produire. Appareil photo, caméra, aquarelles, stylos, crayons de couleur, carnets de dessin, tout a disparu le temps d'une respiration.
Donc voilà pourquoi vous n'aurez pas d'image tout de suite, même si on cherche une solution pour retrouver un appareil au plus vite. On ne se laisse pas abattre, le risque était connu avant de partir, mais il est vrai que nous aurions plutôt parié sur le Pérou ou la Bolivie pour ce genre de mésaventure. Comme quoi, il ne faut pas écouter tout ce que l'on raconte sur les réputations des pays.
Heureusement, dans cette histoire, nous avons perdu plus de sous que de souvenirs. Nous sauvegardons régulièrement nos photos sur un site de stockage en ligne. Il ne nous en manque qu'une quarantaine. Et la cassette qui était dans la caméra ne contenait "que" 15 minutes de film environ. Quant aux dessins de Nico, ils étaient à l'abri à l'hôtel.
A bientot pour de meilleures nouvelles...