mardi 13 juillet 2010

LE RETOUR

Le dernier message surprise, un peu plus tard que prévu...
Malgré tous nos messages et révélations, nous vous avions caché une chose depuis l'an dernier: nous avons noté un tas de chiffres et statistiques sur des détails plus ou moins insignifiants, mais qui donnent une idée de l'ampleur du périple.
Il est maintenant temps de divulguer tout cela pour conclure l'aventure des baruderos...

Ainsi :

Nous avons passé 315 jours en Amérique latine.

Nous avons parcouru 60840 kms, dont 40680 sur le continent, soit une fois et demi le tour de la planète.

Nous sommes montés au maximum à 5300m et descendus à 2.50m sous l'eau.

Nous avons fait 28h d'avion, 86h de bateau et 527h de bus.
Nous avons dormi dans 96 hôtels/auberges/pensions plus ou moins pouraves, 13 campings, 4 refuges et quelques nuits en pleine nature, chez l'habitant ou dans des logements tellement médiocres que l'on a pas pu leur donner un qualificatif.

Nous avons fait 30 lessives, soit une tous les 10 jours, ce qui signifie que nous avons pué environ un jour sur deux...
Nous avons eu 134 jours de pur soleil, 96 jours de soleil avec des nuages, 51 jours où soleil, nuages et pluie ont fait leur apparition, 20 jours nuageux et 14 jours de pluie.

Nico totalise 385 piqûres de moustique, Magali 200, ce qui confirme que le meilleur anti moustique de Mag, c'est Nico.
Notre repas pour deux le moins cher nous a coûté 85 centimes d'euro (Bolivie), le plus cher 55 euros (les 30 ans de Nico à Quito).

La nuit la moins chère nous a coûté 4 euros à deux (Copacabana en Bolivie), la plus chère 54 euros (refuge du Torres del Paine au Chili).

Nous avons passé une soirée, une journée, une excursion, un week end, un trajet en bus ou un dîner avec:
67 Français6 Belges
7 Américains
6 Hollandais
1 Israélien (qu'on aurait préféré ne pas connaître)
2 Australiens
3 Espagnols
1 Chinoise (qui se disait Hollandaise)1 Coréenne
2 Allemands
3 Italiens
2 Anglais (qui s'appelaient tous les deux Richard)
2 Suisses
1 Indien-Colombien

et bien évidemment des milliers de Sud Américains...
Nous estimons avoir mangé 350 tonnes de riz blanc, 800 poulets, 68 troupeaux de boeuf, 30.5 lamas, 1500 livres de haricots rouges et 8052kgs de patates.
Nous avons été victimes de deux agressions à main armée, une arnaque à la terrasse d'un café qui nous a coûté deux bières, un tremblement de terre et un accident de voiture. Nous avons été délestés d'un sac à dos, 2 appareils photos, une caméra, une paire de lunettes, du matériel de dessin, une paire de sandales et un livre de grammaire espagnole.

Nous avons accidentellement cassé un appareil photo, perdu un jean, une pince à épiler, deux paires de lunettes de soleil... et perdu aussi beaucoup de temps à attendre des bus.

Pour finir, un extrait d'une chanson qui nous trotte dans la tête sur la route et qui nous semble être la meilleure conclusion à ce voyage..
Quelqu'un saurait-t-il la reconnaitre?
Je me suis cassé un matin, Des fourmis au fond des chaussures, Mon destin dans un sac à dos pour lui faire prendre un peu d'air pur. J'ai dit au-revoir à mon voisin Qui, lui, ménageait sa monture, Investissant en idéaux Qui finissaient au vide-ordures, Et, d'un anémique salaire Nourri au sein de mes rêveries, J'ai fait un genre de montgolfière Gonflée au vent de mes envies Qui m'a fait sauter les frontières Et qui m'a fait sauter la dalle Et m'a rendu riche Même si j'ai pas trouvé l'Graal.
.... J'suis parti visiter des terres, Pas seulement virginales, aussi Professionnelles en la matière D'en faire voir de toutes les couleurs. J'ai usé des tas de paires de pompes Au bitume de tas de pays Sans pour autant que ne s'estompe Ma fringale d'aller voir ailleurs. Enfouir mes yeux dans les nuages, Dans les cavernes de Cromagnon, Au sommet du dernier étage Ou dans la cave qu'est tout au fond, Rencontrer d'autres personnages, Des Saints Pères et des têtes de con, que dire, qu'on soit méchants ou sages : On est tous bons... Pour la casserole!


samedi 10 juillet 2010

Descente vers Bogota


Nous approchons de la fin. Enfin ou déjà, selon le point de vue.
Nous passons nos derniers jours à flâner dans les petits villages de Giron, Barichara et Villa de Leyva. Nous nous laissons vivre doucement, sans plus courir par monts et par vaux à la recherche d'aventures. Nous profitons simplement de ces dernières heures de liberté en terre sud américaine en méditant sur notre trajet accompli, sur ces kilomètres de routes et tous ces moments de vie singuliers qu'offre un si long voyage.


Nous repensons avec un léger pincement au coeur à toutes ces merveilles que nous allons bientôt quitter: ces paysages à couper le souffle, ces marchés qui fouettent avec leurs fruits qui jutent et ces rencontres improbables qui illuminent le voyage.
Ces merveilles, mais aussi ces galères. Nous nous réjouissons à l'idée de retrouver le confort européen. Finies les heures d'attente stupides pour un bus qui ne se décide pas à arriver ou à partir. Finies également les interminables palabres pour négocier le prix d'un toit, d'une pitance ou d'un bus.
Enfin, fini le blog. Sans vouloir saupoudrer trop de dorure sur le tableau que nous avons dressé à travers ces quelques pages sur le continent latino, nous avons essayé de restituer des moments forts avec des mots simples et de saisir le grandiose en quelques clichés réduits et pixellisés.
Néanmoins, nous avons également eu notre compte en sordide, même si nous en avons moins parlé. De multiples maux frappent ce demi continent où l'homme est petit. La misère ronge les gueules, la pauvreté s'étale sur les trottoirs et vous guette au coin de la rue pour vous tomber dessus. Le spectacle du voyage n'est pas un idéal permanent. Parfois on patauge dans la poisse, on respire la crasse, et on serre les fesses pour qu'il ne nous arrive rien. Mais au final on se sent bien vivant. Un voyage, ca vous réveille les sens, ça vous secoue la conscience et ça vous apprend à faire le tri dans vos idées.


En rentrant, nous savons que l'ordinaire va reprendre ses droits sur nos vies. Et paradoxalement, nous trépignons d'impatience de retrouver ces gestes quotidiens les plus banals. Nous rêvons de petit dej' au plumard avec une cafetière pleine à portée de main. Nous avons aussi des heures de lecture en retard, des heures de visionnage de films à rattraper. Nous piaffons à l'idée de savourer une cuisine digne de ce nom avec de savoureux menus arrosés copieusement d'un exquis nectar rubis. Finies les sempiternelles et tristes plâtrées de riz blanc indissociables des frites trop grasses qui accompagnent toujours les maigrelettes semelles de carne servies tiédasses. Nous salivons chaque jour en nous remémorant nos chères spécialités du chef métropolitaines. Les trésors de l'assiette française sont uniques, c'est dorénavant une certitude. En cuisine, les patrons c'est les Frenchies.
Toutes ces bonnes choses auxquelles on dit adieu en partant sur les chemins...
Heureusement, à Villa de Leyva, un boulanger Français a eu la bonne idée de s'installer et garnit sa vitrine de bons pains et viennoiseries dorés auxquels nous ne pourrons résister après dix mois de diète.


Nous éprouvons un sentiment complexe, une joie infinie de retourner aux sources mêlée à une pincée de tristesse en voyant poindre la sortie de route et se tourner la page d'une histoire sans pain. Nous allons rentrer le sourire aux lèvres et la larme à l'oeil en abandonnant cette liberté immense de circuler partout et nulle part comme bon nous semble. Nous jetons déjà un regard rétrospectif ému sur cette année enrichissante, comme une parenthèse heureuse de découvertes et d'émotions fortes. Nous redoutons avec appréhension le retour, la perte de cette liberté à laquelle nous avons pris goût. Rien n'est plus grisant que d'être intégralement maître de son destin. Sans se comparer aux pionniers qui ont posé le pied sur ces terres sans carte et sans guide, nous avons malgré tout empoussiéré et rincé nos mirettes sur un chouette paquet de bouts du monde. Nous avons approché l'extase à plusieurs reprises. La redescente risque d'être sévère, mais les retrouvailles prochaines qui s'annoncent devraient nous permettre d'avaler la pilule. Nous avons hâte de revoir vos petites têtes familières avec vos humeurs joviales ou vos coups de sang. Vous nous manquez! On vous aime!


PS: dernier message surprise demain! Restez attentifs!

jeudi 1 juillet 2010

Tayrona



Pour commencer à nous recaler sur le rythme européen, nous décidons de prendre des vacances paradisiaques!
Toujours sur la côte caraïbe, nous nous offrons une partie de détente bien méritée au parc naturel le plus connu et visité de Colombie. Nous comprenons vite pourquoi: une montagne tropicale plonge dans une mer turquoise, à 27 degrés, bordée de cocotiers élancés et de roches millénaires. Nous trimballons nos gros sacs en dégoulinant de sueur sur des sentiers boueux au milieu de cette forêt vierge. Arrivés au premier camping, nous déplions la tente pour la dernière fois du voyage sous un arbre aux fruits mous, verdâtres et non identifiés qui noircissent en pourrissant avant de se décrocher et de venir souiller notre belle tente orange. En repartant, il nous faudra frotter, gratter et brosser les résidus collants séchés de cet arbre étrange...

Les cocotiers sont un autre danger permanent car parfois, sans crier gare, les noix de coco tombent de 20m de haut, nous frôlent l'épaule et s'écrasent au sol dans un bruit sourd. Nous apprendrons rapidement à nous tenir à distance de ces arbres mortels.

Les dangers sont innombrables à Tayrona: les araignées et serpents multicolores ainsi que les moustiques, fourmis jaunes rouges et insectes géants encore moins identifés sont d'autres nuisances fréquentes avec qui il faut partager le quotidien. Mais les paysages, les crabes et lézards bleus et le calme ambiant permettent à tous les visiteurs d'oublier la menace rampante qui se cache sous chaque feuille et chaque rocher. De temps en temps, il faut lever les yeux au ciel, car on a parfois la chance d'observer des singes qui s'élancent de branche en branche pour traverser la forêt, un spectacle qui nous ravit toujours.

Nous restons quatre jours à cohabiter avec toutes ces bêtes et repartons vers le sud où l'avion nous attend le 17 juillet...

Carthagène

Nous reprenons le bus, direction Medellin, citadelle du cartel de la drogue et haut lieu de la salsa. La ville promettait d'être animée. Malheureusement, nous ne rencontrons que des avenues hideuses à rendre malades les architectes en vogue à l'époque du bloc de l'est. Ici, pas de ruelle colorée, place aux immeubles et aux échoppes tristes. Même Pablo Escobar a déserté les lieux. Pire, le "quartier rose", réputé centre de la vie nocturne et bijou architectural, ne doit finalement son nom qu'aux rangées de tours en briquette rose... Les autres sites répertoriés à l'office du tourisme ne consistent qu'en rues commerciales passantes et en alignements de restos lounge et de banques aux facades pompeuses. Nous passons. Le compte à rebours avant notre retour s'étant déclenché, nous cherchons à profiter un maximum de nos dernières semaines. Peu enthousiasmés, nous ne perdons pas de temps à tenter de dénicher la perle rare dans ce sinistre lieu.
Une nuit de bus plus tard, nous arrivons sur les rivages des Caraibes. A Carthagène, nous retrouvons enfin une cité d'envergure. Sorte de Syracuse latino-américaine, la péninsule est un petit havre de tranquillité. Nous passons nos journées en déambulation placide et Nico remplit à l'ombre quelques pages de carnets de croquis. La vieille ville fortifiée exerce un charme sur tous et devient le centre d'attraction du pays.

Nous faisons un saut à Playa Blanca, mini station balnéaire aux allures paradisiaques, à seulement une demi heure en bateau du centre ville. Ses eaux cristallines et ses palmiers ne nous décideront pourtant pas à rester plus d'une journée. Assiégés par des hordes de moustiques voraces, de puces coriaces et de vendeurs à la sauvette non moins tenaces, la carte postale en prend une sérieuse corne. Entre deux piqûres, nous rencontrons Cristian, le sympathique Chilien au slip fluo, avocat pour enfants maltraités à mi temps et joueur de poker l'autre moitié du temps.
Après cette escapade éclair, nous regagnons la civilisation où nous retrouvons Cristian par hasard. D'ailleurs, à Carthagène, tous les voyageurs de Colombie se croisent. Nous retrouvons ainsi Anne, la Française, compagnonne de route en Argentine quatre mois plus tôt, avec qui nous passons deux soirées à échanger nos histoires de baroude. Nous retrouvons aussi Federico l'Italien, vu pour la première fois à Salento, dans la région du café. Nous faisons également la connaissance de quatre Frenchies adeptes du "calimucho", ou du "communard" selon vos origines régionales. Le temps passé avec chacun d'entre eux, et une semaine s'est écoulée... . Nous replions nos affaires et reprenons la route.

jeudi 17 juin 2010

Arrivée en Colombie- La zona cafetera

Alors que nous posons le pied en Colombie, les habitants du vieux continent civilisé et polissé, bien informés et ouverts sur le monde, s'imaginent de suite que nous arrivons en enfer, que l'on croise la guerilla à chaque coin de rue et que les balles sifflent sans arrêt au dessus des têtes.

Rassurez-vous, la réalité récente est plus respirable. Le gouvernement sortant d'Uribe a déployé un contingent militaire qui a remis de l'ordre sur tout le territoire. L'armée recrute à tour de bras. Ainsi, dans la rue, l'ambiance ressemble à une occupation soft. Des fantassins prépubères, aux visages glabres et parcourus d'une constellation d'acnée rougeaude s'occupent de notre sécurité. Ils déambulent en traînant leur mollesse d'ados sous un casque trop grand, dans un uniforme trop large et des bottes trop longues. A cet âge là, les hormones se débrident et les chicots sortent du rang et contraignent l'ado à porter un appareil dentaire. Ainsi, avec son sourire en barbelé, le jeune militaire fanfaronne sur son bout de trottoir, se sent pousser des ailes et présente sa mitraillette triomphante bien lustrée aux passantes en jupette. Ces gamins sont responsables de nos vies, de notre sécurité...

Un soir à Cali, un jeune étudiant en Sciences Po nous donne un cours condensé sur l'histoire contemporaine de son pays et l'escalade de la violence qui a conduit à l'abîme.
Quelques années auparavant, les Colombiens étaient les victimes collatérales de différents groupes armés: d'abord, des narco-traficants, ensuite, l'armée officielle qui lutte contre ces premiers...
Mais cela se complique. Des paysans sont engagés et armés par les narcos pour protéger leurs intérêts. D'autres paysans, hors du circuit de la drogue, s'organisent en mouvement d'autodéfense contre l'alliance précédente. A cela s'ajoutent les mouvements révolutionnaires, d'inspiration communiste (les fameux FARC) qui dérivent vers le fanatisme, prêts à kidnapper et rançonner n'importe quel citoyen.
Et enfin, se forment des groupes de sécurité privée paramilitaire sollicités par l'armée officielle pour faire le vide et gagner de belles récompenses pour chaque tête de guerillero présumé.

Dans un pays rongé par ces conflits croisés, le président Alvaro Uribe, bien décidé à faire le ménage, a obtenu carte blanche du peuple pour remettre de l'ordre. Juan Manuel Santos, ancien ministre de la défense, va lui succéder pour continuer le gros oeuvre. Plébiscité par le peuple, il remporte aujourd'hui l'élection présidentielle avec 70% des voix.

Que dire des bavures à répétition? Des falsos positivos? Des scandales de la parapolitique? Pour nombre de citoyens honnêtes, tout ceci n'est qu'un détail déplorable pour le prix de la liberté retrouvée. Le peuple, traumatisé par ces années de violence, aspire à retrouver une vie normale et offre le pouvoir à un gouvernement prêt à en découdre de force pour atteindre cet objectif.
Depuis peu, les Colombiens peuvent de nouveau sortir de chez eux le soir, l'esprit léger. Pour eux, peu importe les méthodes, seul le résultat compte. Difficile pour nous de juger...

Nous débarquons après la purge, dans un contexte qui tend à se stabiliser. Nous arrivons par le sud, faisons une courte escale tranquille, trop tranquille à notre goût, à Popayan, la ville blanche. Nous poursuivons vers Cali. Trop gros, trop moche. Nous repartons aussitôt et arrivons dans la région du café. Notre premier arrêt à Salento sera très agréable. Après d'interminables heures de bus, nous découvrons ce petit village coloré à flanc de collines, entouré de palmiers géants.

Ici, les papis se prélassent au soleil la journée et se retrouvent le soir au bistrot pour jouer au billard à trois bandes. Nico se livre alors à son activité favorite, le dessin, et devient le centre de curiosité de tout le village. Les enfants lui réclament une gribouille et les vieux s'amusent à reconnaître les visages dont il a fait le portrait. Nous apprenons les surnoms de chacun d'entre eux. Notre préféré est celui du musicien du village: la moustache fine, la brosse épaisse, les dents du haut en moins... Quand il chante, on ne comprend les paroles qu'à moitié, ce qui lui vaut le surnom de "Media cancion" (="Moitié de chanson")

L'arrêt suivant à Manizales nous permettra de rentrer plus au coeur du processus de fabrication du café et surtout de boire du bon arabica, ce qui n'était quasiment pas arrivé depuis 10 mois, puisque l'Amérique Latine préfère le lyophilisé ou le thé. En visitant une ferme de caféiers, nous apprenons une triste vérité: le meilleur café colombien ne se trouve pas dans les troquets ou restos populaires, mais dans de rares brasseries chics et surtout... à l'étranger! Et oui, c'est ainsi: les meilleurs grains de cafés sont pour les gringos. Les rebuts cassés, décolorés, fripés, abîmés sont pour les Colombiens. C'est ça l'arabica!

lundi 7 juin 2010

Quito n'a pas la cote

Nous débarquons dans la capitale, carrefour des caïds et des cambrioleurs en colliers, couteaux et calibres. En connaissance de cause, nous essayons de nous camoufler dans la cohue le temps de trouver refuge dans le Mariscal, entre les troquets décatis et les brasseries branchouilles en toc. Pour notre sécurité, nous cachons nos affaires à l'auberge et restons calfeutrés, calés dans la banquette sur le câble devant un sport de raquette. Merde, la bourrique ibérique a réussi le quintuplé à Roland Garros...
Dehors, une cohorte de toxicos keu-bla camés et cramés du casque quadrillent le quartier, squattent les sorties de clubs pour piquer le quidam qui crèche à côté pendant que des escadrons de keufs en costume kaki ronquent sur un paquet de Kro, la matraque en berne entre les quilles. A notre hôtel, en l'espace d'une soirée, une kyrielle de couacs nous est contée: Kevin, la racaille de Quimper, alcoolique et coké, s'est fait castagner; Sven le Viking, s'est fait planter au canif; un Ricain, plus coopératif, a concédé le contenu de ses poches sans broncher. On ne déconne pas, tout est vrai. Quelle époque!

Coute que coute, malgré les attaques et les querelles, le soir du 3 juin, nous sortons (pas trop loin) pour les 30 ans du Nico, tactique efficace qui nous a évité les tocards et les crapules.

Vous l'aurez capté, en Equateur, Quito n'est pas notre coup de coeur. Nous quittons Quito tôt, quittes de conflits avec ces toqués du cutter en quête de cash. Direction la Colombie!

dimanche 6 juin 2010

Puyo-Tena, la jungle amazonienne


Quelques jours plus tard, nous laissons derrière nous Baños et recommandons à tous les gens que nous rencontrons d'y faire un séjour, même court, même au prix d'un détour fastidieux, car c'est un chouette endroit. "On vous dit que c'est tranquille, allez-y!" Nous serons de bon conseil puisque le volcan récidivera de manière musclée. La ville de Baños sera évacuée complètement à cause des coulées de lave et des retombées de cendre.


Pendant ce temps, nous bouleversons nos plans et visitons Puyo puis Tena, les dernières villes avant la jungle. Nous approchons pour la première fois la forêt amazonienne et y découvrons une opulence végétale et un gigantisme fascinant. Des fleurs inconnues, des orchidées, des papillons, des insectes gros comme le poing et des feuilles d'arbre de la taille d'un homme...

L'enfer vert est aussi source de vitalité. Les chamanes utilisent ces plantes pour leurs vertus médicinales, tandis que les gringos à la recherche d'expériences inédites payent une centaine de dollars pour un "ayahuasca tour". Nous nous contenterons de visiter plusieurs refuges pour animaux. Nous jouerons avec des singes, plein de singes: macaques, capucins, singes araignées, singes écureuils, singes volants... Accoutumés à la présence humaine, ils touchent à tout. Ils vous sautent dessus et se servent de vous comme une vulgaire branche, fouillent dans votre sac, empochent votre paquet de chewing gums et se faufilent en un éclair dans les arbres. Ils peuvent tordre vos lunettes avec leurs petites mains puissantes et s'amusent avec les essuie glaces des voitures en stationnement, les plient en deux en se pendant dessus.

Nous entrons aussi dans la cage d'un ocelot, parent éloigné du tigre. Nous le surnommons immédiatement "Michel", car Michel est un parent proche de Kirikou (pour ceux qui ne comprennent toujours pas, allez faire un tour sur Google). Il lèche goulûment le doigt du guide pendant de longues minutes et se laisse caresser le pelage doux comme une peluche. Lorsque Michel entreprend de grimper sur Magali, le guide se montre rassurant. L'ocelot est inoffensif.

Après un trajet en pirogue sur les bras de l'Amazonie, nous verrons plusieurs coatis nous traîner dans les pattes en fouinant dans le sol avec leur truffe souple afin de débusquer quelques insectes à grignoter. Nous pourrons apercevoir quantités d'autres espèces: perroquets parlants mais peu bavards, caimans nouveaux nés, anaconda à l'heure de la sieste...


Initialement nous devions nous rendre au volcan Cotopaxi et à la lagune Quillotoa. Nous avons préféré au dernier moment nous embarquer dans la brousse, ce qui fut sans regret aucun!

samedi 29 mai 2010

Baños

Après une étape pluvieuse à Cuenca, nous nous sommes enfoncés dans les terres à la lisière de la forêt amazonienne. Baños, petite station thermale chic et tranquille, est le point de départ de nombreuses balades champêtres au pied du volcan Tungarahua, mais surtout le royaume du nougat et de la guimauve. Les Equatoriens en raffolent. Ils se goinfrent aussi de paquets de copeaux de canne à sucre fibreuse qui crisse sous la dent comme du polystirène.

Nous bouderons joyeusement toutes ces saloperies pour consacrer nos dollars à de la vraie cuisine française. Dès le premier soir, nous tombons sur la carte inspirée d'un restaurateur français qui propose une fondue bourguignonne. Nous sautons sur l'occasion et nous gavons de barbaque et de petits légumes du jardin, comme un avant goût de notre retour prochain en Europe. Le mal du pays se ressent cruellement depuis quelques temps et la bouffe devient véritablement une obsession. Nous salivons chaque jour à l'idée de retrouver les bonnes saveurs bien de chez nous.

Ensuite, à l'hôtel, nous nous composons une salade de fruits des grands jours. Ananas, fraises, poires, bananes, pommes, litchis...Nous nous couchons heureux, bercés par une lente digestion. Et là... c'est le drame. Dame Tourista se joue de nos entrailles fragiles. Pendant deux jours, à tour de rôle, nous ouvrons en grand les vannes du robinet à caca. Les rouleaux de torche cul se débobinent à vue d'oeil, puis la tempête passe. Grâce à Mr Immodium, nous profitons de l'accalmie pour prendre l'air, nous dégourdir les jambes, et promener nos derrières endoloris sur les pentes velues du volcan. Après une ascension de 700m, nous arrivons à "la casa del arbol" et nous amusons à voltiger au dessus du vide sur une improbable balançoire abandonnée. En reposant pied à terre, nous nous faisons inviter chez un paysan du coin, qui nous offrira le thé dans sa modeste cahute. Au moment de se quitter, il n'oubliera pas de réclamer un peu de monnaie pour subsister... Le lendemain, nous empruntons des bicyclettes à l'hôtel et partons sur la route des cascades. Nous découvrons "El Pailon del diablo", une chute vertigineuse au confluent de deux fleuves.


Pour finir, en voyant les regards des passants braqués sur les sommets, nous comprenons que dans la nuit du 27 au 28 mai, le volcan s'est réveillé, a craché de la lave sur le versant opposé à Baños et a recouvert de cendres l'immonde Guayaquil. Encore une fois, la malédiction du 27 a frappé, même si nos vies n'ont pas été menaçées cette fois ci.