jeudi 7 janvier 2010

La croisière Navimag

Le premier janvier, nous embarquons dans le navire "Evangelista" à destination de Puerto Natales, 2500kms plus au sud. A bord, l'équipage complet, 200 passagers et une cargaison de bovins entassés dans des containers rouillés. Le premier jour, nous les remarquons à peine. Le deuxième jour, un léger fumet rustique se répand dans les couloirs du bateau et persiste jusqu'au débarquement 4 jours plus tard.
Tout commence par la traversée du golfe d'Ancud. La mer est plate, le temps couvert et un souffle frais d'aventure nous anime. Nous nous éloignons paisiblement des rivages de Puerto Montt et traçons notre sillon aux milieu des côtes déchiquetées de ce sud Chili sauvage. Jusqu'ici, tout va bien. L'ambiance à bord est assurée par deux jeunes Chiliens. Vu leurs minois de beaux gosses et leurs sourires continus, on les soupçonne fort de faire ce job pour séduire les voyageuses en quête d'aventures et de frissons. Dans la matinée, ils organisent des réunions d'informations pour découvrir la faune et la flore des environs. Au final, nous n'aperçevrons que deux ailerons de dauphins remontés à la surface le temps d'une respiration.


On nous annonce ensuite l'approche du terrible golfe de Peñas. Les premières vagues viennent chahuter notre navire. Jusqu'ici, tout va bien. Le ciel revêt son triste manteau gris et la pluie s'invite à la fête. Nous entamons la traversée du grand large. Les vagues redoublent et un combat de 12h, 12 véritables rounds, s'engage contre l'océan Pacifique. Il est recommandé aux passagers de s'allonger pour mieux supporter les secousses. A cet instant, nous nous sentons encore forts et détendus. Nico fume des clopes le long des passerelles en contemplant les contorsions de la mer qui ondule pendant que Mag bouquine en cabine. Le bateau tangue, plonge puis se soulève. Les creux nous bousculent de plus en plus. 120 mètres de ferraille pour presque 3000 tonnes pèsent bien peu face à la puissance d'un océan pourtant calme. Chaque nouvel impact de vague met à l'épreuve la résistance de nos estomacs. Nous nous sentons comme dans un interminable tour de manège de fête foraine. Les heures passent et les remous s'intensifient. Nous ressentons nos premières nausées et restons donc allongés. Le pire est encore devant nous. Nous parvenons à faire une sieste réparatrice. Au réveil, nous nous sentons prêts à affronter le roulis. Le haut parleur annonce le début du dîner. Nous nous séparons quelques instants. Voici la suite des événements depuis chaque point de vue.

(Mag) Pendant que Nico va aux toilettes, je sors sur le pont prendre l'air, ce qui me fait du bien au premier abord. Puis je vois le bateau qui se balance de droite à gauche. Je retourne à l'intérieur. Rien ne semble droit. Je pose mes mains contre les parois du couloir pour avancer. Direction les toilettes. Fausse alerte. Je ne vomis pas mais je sens que je dois retourner m'allonger. Panique: la chambre est fermée et je ne retrouve plus Nico. Il doit être à la cantine. Une boule dans la gorge, je monte avec peine jusqu'au deuxième étage et reste près du pont pour vomir par dessus bord si besoin est. Je retouve Nico qui me donne les clés, puis redescend en quatrième vitesse dans notre cabine pour m'allonger. Ouf, la boule disparaît.

(Nico) Je me soulage aux toilettes, sors fumer une clope, puis j'essaie tant que bien que mal de rejoindre Magali au réfectoire. Les couloirs ondulent sous l'effet de la houle. Mon bide se détraque. Magali m'annonce qu'elle renonce à manger. Moi, je persiste. Il parait qu'il vaut mieux avoir le ventre plein quand on traverse une mer agitée. Je gobe une demi tomate vinaigrette mais je commence à éprouver des difficultés à avaler les aliments. Ma soupe menace de se renverser à chaque impact. J'attaque le poulet à la purée. Au bout de trois bouchées, je manque de tout dégueuler dans mon assiette. Je capitule. Je ne finis pas mon repas et je débarrasse mon plateau à moitié dégarni. Et pour ceux qui me connaissent, vous devez mesurer l'improbabilité de cet événement. En retournant vers notre cabine, je croise le médecin de bord. Je lui explique que je me sens mal et que Magali est clouée au lit. Il m'accompagne prendre connaissance de son état. Dans les escaliers qui conduisent à notre étage, un gigantesque remous me scotche à terre et me retourne l'estomac. Ca y est, je suis définitivement patraque. Une seconde secousse m'achève et mon ventre joue au yoyo. Le doc me dépasse et m'ouvre le chemin jusqu'au pont. Je serre les dents mais le vomi envahit ma gorge. Le doc pousse une porte et me laisse dégobiller mon repas par dessus bord dans un splendide jet vrillé du deuxième étage qui termine sa chute dans le sillage d'écume blanche accrochée aux flancs du navire. Sixième heure, sixième round, je pose un genou à terre. Je reprends mes esprits, et suit le doc jusqu'à la cabine. Magali est surprise de me voir accompagné. Elle va bien mieux que moi finalement. Le doc me lance un sourire: je l'ai fait déplacer pour Magali et je suis finalement le seul malade des deux. Il nous quitte après nous avoir rassurés.

Les lames de fond continuent de bousculer notre embarcation. Nico ressent un véritable tourbillon dans ses entrailles. Quelques minutes plus tard, la fin de son repas remonte elle aussi à la surface. Il court aux sanitaires les plus proches et remplit la cuvette d'une mixture rougeâtre. Les tomates rejoignent le poulet pour nourrir les poissons. Après cela, nous nous assoupissons, à la fois bercés et assommés par les vagues. Nous rouvrons les yeux à la fin du 12ème round, à la fin de la 12ème heure, lorsque le calme est revenu.

Au petit matin, nous reprenons un chemin plus tranquille à l'abri des vagues, dans un canal parsemé d'îlots de verdure et de roches. Une superbe lumière perce entre les nuages pour caresser nos visages blanchis. Nous faisons une courte escale à Puerto Eden, un petit village perdu au milieu de nulle part. Un peu plus tard, nous faisons une halte au glacier Pie XI, qui se jette dans la mer. Ses glaces bleutées et écorchées se disloquent en glaçons flottants dans le fjord. Ce glacier est l'un des seuls au monde à progresser au lieu de fondre.

Le lendemain, nous franchissons le passage Wright, le plus étroit du trajet. Le bateau se faufile entre les îlots, distants de quelques mètres seulement. Peu après, nous arrivons à bon port. Puerto Natales offre un environnement incroyable: de grandes plaines, des montagnes noires aux cimes enneigées, et une mer turquoise. Nous nous approchons encore un peu plus du pôle sud et retrouvons des paysages à la hauteur de nos attentes.

10 commentaires:

  1. Ouuaaaou, purée, ça avait l'air d'etre terrible ces petits 12h de bateaux di donc...Ben en tout cas, ça a l'air d'en valoir la peine!
    Une Bonne et heureuse année les amis, que votre périple continue comme vous le voulez, génereux et enhivrant, c tout ce que je vous souhaite!! ^^
    Pour les affaires de dessins Nico Ju s'en est occuper Mercredi, l'affaire est dans le sac comme on dis ;)
    Pense bien a vous, continuer de vous régaler malgrès tout, et re-mettez des photos un peu plus grandes, là on peut pas les agrandire, c souvent frustrant!!
    A tantôt les amis, plein de bizous poilus!!

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  2. Coucou les aventuriers ! Bonne année !!
    Après plus d'un mois de fainéantise assidue, je reprends le cours de vos péripéties, apprenant vos malheurs et vos joies. J'espère que les dernières prennent vraiment le pas sur les premiers.
    Episode du bateau rocambolesque et savoureux : les filles sont définitivement plus fortes...
    Bises à tous les deux.
    Claude M.

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  3. Nico, t'es une fiotte.

    Mais j'aime ces petites faiblesses.

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  4. coucou,

    je viens de redecouvrir votre blog apres quelques mois... bon courage dans ces aventures inoubliables!
    Moi je fais une regate marseille le WE prochain : j espere que la mer sera moins demontee qu en patagonie...
    Porfitez de chaque moment!
    bisous
    maud et leo

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  5. mag, bon anniversaire demain!!!!
    je ne suis pas en retard cette année!
    profitez bien de la patagonie et des glaciers, icebergs...
    léo et maud

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  6. wahou...j'aurais pas du vous lire au ptit dèj moi....Ma ptite Mag, bon anniv' parmi les glaciers! des bisous à vous.

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  7. Hé ben dis donc! sympa la traversée....que d'émotions.
    Aujourd'hui est un jour particulier pour toi, c'est cool de le vivre complètement différemment des fois précédentes. On te souhaite tous les trois (Romain, Aurélien et moi) un très joyeux anniversaire.
    Bizoo à vous deux
    Ophélie

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  8. Un bon anniv au bout du monde Mag'! des pensées, et des bises!
    Carole.

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  9. Bonjours et bonne année de nouvelle calédonie les amis!
    Un vrai régal de lire vos aventures.
    Ecrire avec le point de vue de chacun d'entre vous est vraiment marrant.On attend de vos nouvelle trés vite!!
    Et comme tout le monde le dis on fait pareil, bon anniversaire a Magali!!
    et comme on dit ici, tata bisous
    seb et gaëlle

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  10. Hello !
    Belle traversée ma foi, vous vous êtes mises à l'heure européenne où de nombreuses connaissances ont passé leur réveillon avec une gastro. Finalement, ici aussi on peut vivre l'aventure !
    Allez, bises à vous et à Dany, qui doit vous avoir retrouvé sous de meilleurs auspices !
    Solange

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