lundi 1 mars 2010

El terremoto

Nous remontons encore et toujours le continent en longeant la cordillère des Andes. Véritable épine dorsale du continent, tour à tour barrière protectrice ou porte des enfers, la cordillère régule la vie dans cette partie d'Amérique. Elle décide des climats, façonne les paysages et découpe les pays. Nous échouons à San Juan, au pied de la chaîne, où la chaleur assommante réduit toute vélleité d'activité à néant. Ici, on s'économise, on se repose. On se protège du soleil qui brûle et on attend la fraîcheur de la nuit pour sortir. Seulement, les nuits aussi sont chaudes, poisseuses et étouffantes, les draps se transforment en serpillière humide. Nous trouvons difficilement le sommeil dans toute cette transpiration.

Voici maintenant le récit de Nico de la nuit du 26 au 27 février, vous comprendrez vite pourquoi ses propos seront suffisants.

En ce qui me concerne, ma nuit est agitée, inconfortable. Le sommeil en dents de scie, une sensation étrange de ballotement perturbe mon repos. Je me réveille comme secoué par un mauvais rêve. Les quatres guiboles du lit flageolent. Le plumard se déhanche, gigote et entame une rumba endiablée, possédé par la fièvre du vendredi soir. Le ventilateur du plafond se balance et bat la mesure. Les murs en béton ondulent, ramollis par la chaleur, se gondolent comme une feuille souple. L'immeuble entier est parcouru de spasmes épileptiques. Les alarmes des voitures en stationnement se déclenchent dans le quartier. Je crois à une hallucination. Mon cerveau met du temps à comprendre. Un puissant séisme secoue la terre! La colonne vertébrale du continent s'est ébranlée pour nous secouer un bon coup. Saisie par un frisson au bas des reins, les colosses omoplates de l'Amérique s'entrechoquent dans un tremblement de terre dévastateur. Magali dort profondément. La Terre pourrait s'écrouler, elle ne s'en rendrait pas compte. Elle soulève légèrement une paupière, puis la referme aussitôt. La première onde de choc passée, je m'attends à une réplique à suivre. Je me méfie. Je me rendors mais je me tiens sur mes gardes, prêt à courir si tout s'effondre. Je somnole, l'oeil à moitié clos. Un peu plus tard, tout recommence. Je bondis du lit au quart de tour, prêt à évacuer Magali, qui continue de pioncer sagement sans s'aperçevoir de rien, ou plutôt qui ouvre un oeil mais reste stoique face à la situation, comme si tout cela était banal. Je la réveille en sursaut, mais cette seconde secousse est plus douce que la première.
Au matin, nous prenons notre café en regardant les infos télévisées. Richter a prévu à peine assez de barreaux à son échelle. 8.8 de magnitude. Les ravages sont terribles. L'épicentre, situé au sud du Chili, est distant d'environ 800kms de notre petite cité de Saint Jean. A l'écran, le désordre et le chaos sur plusieurs milliers de kilomètres, les immeubles fracturés, les chaussées éventrées, les ponts effondrés, les voitures retournées, Santiago gravement endommagée, son aéroport fermé, l'île de Pâques évacuée, les hôpitaux surchargés, la rentrée des classes retardée et des centaines de vies broyées en quelques instants. La puissance des forces en action dépasse l'entendement. La désolation se lit sur tous les visages. Les appels à l'aide et les promesses de secours se multiplient.

PS: les quelques jours précédents le séisme, nous avons rencontré Philippe de Castres, dit "Félipe", qui a été notre compagnon de route dans la région de Barréal. Il devait rentrer à Toulouse samedi.
Félipe, où es-tu? As tu pu rentrer en France comme prévu? As tu pu quitter l'Argentine? Quel trajet as tu fait depuis San Juan? Tu devais prendre un vol Mendoza-Santiago, enchaîner sur un autre vol Santiago-Sao Paulo, ensuite Sao Paulo-Londres et enfin Londres-Toulouse. Nous sommes curieux de savoir comment tu as fait pour rentrer chez toi!

4 commentaires:

  1. Soulagée de voir que vous allez bien. Nico, j'espère que tu n'es pas traumatisé, ton récit est très beau et terrifiant. Mag, inébranlable... t'es énorme! Je vous embrasse et vous souhaite bon courage pour la suite, en espérant que votre plan de route et votre enthousiasme ne s'en trouveront pas perturbés.

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  2. Incroyable, je me demandais justement ce que ça pouvait faire de vivre un tremblement de terre. Mais au fait j'espère que vos mamans respectives ne vous lisent pas...vous êtes des fous ou vous voulez les faire mourir de trouille!!!
    Manu

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  3. Non Manu ,je ne panique pas ,je savais qu'ils n'étaient pas à coté du séisme .et comme on dit la peur n'évite pas le danger donc j'essaie de rester zen !!!!!!! dany

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  4. Punaise, je ne regarde pas trop les infos en ce moment, et voilà que je découvre qu'il y a eu un séisme au Chili! Je suis content de voir que vous allez bien! ça fait un paquet de choses intenses dans ce voyage dites donc...

    J'ai hâte de vous revoir pour que vous nous racontiez ça de vive voix!

    Grosse bise à tous les deux, auxquelles s'ajoutent celles de tout l'atelier!

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