lundi 1 mars 2010

Mendoza




Nous avons passé une semaine à Mendoza, la capitale viticole de l'Argentine. Une chaleur terrible recouvre la ville. Le thermomètre s'affole l'après midi. Pour étancher notre soif, et en bons soulards que nous sommes, une visite de cave est indispensable, voire vitale.

Avant d'arriver à Mendoza, nous fantasmions sur les noms de bodegas, nous salivions à l'idée de parcourir la fameuse route des vins et nous rêvions d'ivresse teintée sous les treilles ombragées recouvertes de vignes ou sous les voûtes colorées et rafraîchissantes des caves de Mendoza, nous laissant emporter de dégustation en dégustation, de verre en verre, dans un flot de liqueurs claires et de nectars rubis en découvrant des saveurs exotiques afin d'atteindre l'extase éthylique. S'il reste encore quelques irréductibles petits producteurs qui défendent les valeurs ancestrales, force est de constater que l'époque a changé et que l'image romantique du vigneron attaché à sa terre, les paluches abîmées par le labeur a cedé sa place aux holdings transnationaux qui suivent le cours des valeurs en bourse. Circulez, y'a plus rien à voir. Oubliez les revendications bourrues des orfèvres de la barrique en chêne préoccupés par la sauvegarde des terroirs, par la lutte pour les AOC et par la préservation d'un savoir-faire méticuleux. Ici, l'exploitation viticole est industrielle et le vin est une marchandise qui se vend bien.
En entrant dans la propriété Weinert, dont la jolie facade en brique (qui nous invitait à une dégustation, mais qui maquillait peut être habilement une triste réalité), nous restons circonspects face à ce nom. Un ancien Nazi repenti et réfugié en Amérique Latine se serait-il reconverti dans le négoce du pinard? Non, en fait le propriétaire est Brésilien et gère l'entreprise depuis Buenos Aires. Nous découvrons ensuite les cuves en béton et en inox gigantesques tandis que nos yeux cherchent des tonneaux en bois. Nous pensions avoir atteint le fond lorsque la guide (une jeune Brésilienne ayant visiblement trouvé un stage d'été grâce au piston) nous avoue largement préférer la caïpirinha au vin. Merci pour la guide passionnée!

Non, la vraie découverte a Mendoza a été celle d'une famille hors norme qui nous a accueilli pendant cinq jours. Victor et Graziela, un couple boliviano-argentin, sont des amis de Pierre Cailliez (le père de Solange), qu'il a rencontrés en 1973 à Potosi en Bolivie. Leur maison est un vrai centre social: chez eux loge Martin, le petit ami de leur fille Anahi, qui en plus de son handicap, est devenu orphelin en 2003. Pire, son frère peu scrupuleux cherche à le faire interner chez les fous pour toucher une pension d'invalidité.
Il y a également Miguel, un ancien élève de Graziela, qui, après avoir été jeté à la poubelle à la naissance à cause de son teint basané, a longtemps vécu dans une atmosphère familiale de violence, de vol et de prostitution. Aujourd'hui, à 20 ans, sans travail, sans diplôme, mais avec deux enfants en bas âge, il lutte pour échapper au destin tracé par sa famille.

Cependant, la demeure des Pérez reste étonnamment imprégnée d'optimisme. Graziela et Victor ont pléthore d'histoires à nous raconter: leurs idéaux communistes les ont conduit en prison pendant 18 jours en Bolivie, et leur foi catholique leur a permis d'en sortir grâce à l'intervention de l'évêque. Durant la dictature, ils hébergent un guerrillo en cavale, dont ils n'auront jamais de nouvelles. Plus tard, une femme a essayé de séduire Victor pour prendre la place de Graziela qui s'occupait de sa fille...
Catholiques et marxistes, leur foi en Dieu et au grand soir s'accomodent à la sauce latine. Chez eux, toutes ces croyances convergent. Loin de faire le grand écart entre des postures paradoxales, ils synthétisent une lecture de la religion et de la politique en un discours altruiste. Leur attitude généreuse et impliquée bouleverse les clivages intellectuels occidentaux et incarne un autre visage de l'idéal communiste, alors qu'en France, on regarderait avec de gros yeux le catho qui débarquerait en AG du NPA pour soutenir un discours de gauche radicale.
Graziela et Victor pataugent au quotidien dans les problèmes des autres, mais ils parviennent du mieux qu'ils peuvent à surmonter toutes les épreuves, à partager et à aider tous ceux qu'ils rencontrent.

2 commentaires:

  1. La description de cette famille nous montre que l'humanité n'est pas complètement pourrie . Des gens ouverts sur les autres ,généreux ,attentifs,curieux d'un monde qui pour eux est synonyme d'opulence Magallanico en on rencontrés durant leur périple .Merci Graziella et Victor pour cette leçon d'amour
    Dany

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  2. Victor et Graciela24 mars 2010 à 20:31

    Nous a beaucoup émoué vôtre description de notre humble famille. Merci, nos amis. Nous n'oublirons jamais votre douce presence chez nous. Victor, Graciela et famille.

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